Quand la science rêvait encore de magie
L’alchimie meurt dans les labos, mais renaît dans l’imaginaire : découvrez comment la science victorienne a sans le vouloir réinventé la magie.
L’alchimie victorienne et la naissance de l’imaginaire steampunk

Par une nuit de novembre, Londres disparaît.
Le brouillard — ce fameux pea-souper londonien — engloutit les façades de briques et les pavés humides. Les lampadaires à gaz ne dessinent plus que des halos laiteux. Au loin, le sifflement d’une locomotive à vapeur déchire le silence, tandis qu’un grondement électrique crépite derrière les fenêtres d’un institut scientifique.
Poussez encore.
Au fond d’une ruelle étroite, derrière une porte de chêne usée, un laboratoire respire encore : planches couvertes de verrerie, flammes bleutées tremblant sous les becs, cuivres chauffés qui exhalent une odeur métallique et chaleureuse.
Dans une cornue, une lueur ambrée pulse comme un minuscule cœur. Plus loin, une machine à vapeur s’active ; ses pistons rythment la nuit en soupirs mécaniques. Au-dessus de la table de travail, une bobine électrique crépite, jetant un éclat blanc, presque surnaturel.
Tout semble prêt pour une expérience d’alchimie.
Et pourtant, sur le papier, plus aucun alchimiste ne devrait hanter ces lieux.
Nous sommes au cœur de l’ère victorienne (1837–1901), le siècle du progrès triomphant, de la rationalité et de l’industrie. La chimie moderne a remplacé, rationalisé, évacué l’ancienne chymie. L’alchimie — cette quête de la transmutation du plomb en or — est déclarée morte, reléguée au rang de superstition. L’alchimiste n’est plus qu’une figure de charlatan ou de savant fou.
Pourtant, dans les esprits, elle n’a jamais été aussi vivante.
Au moment même où la science la tue, la société victorienne la ressuscite.
Cet article propose un voyage au cœur de ce paradoxe :
- comment l’alchimie disparaît des laboratoires ;
- comment elle survit dans l’occultisme et la fiction ;
- comment elle renaît dans l’esthétique steampunk, ce monde où l’ingénieur, l’artisan et le mage se rejoignent enfin autour de la même machine.
Voici comment la science, en voulant tuer la magie, a fini par la réinventer.
Plongez dans l’article : notre chronique audio
Écoutez le résumé et les points clés de cet article, commentés par nos chroniqueurs.
L’essentiel à retenir
Parce que la chimie moderne, devenue scientifique et quantitative, élimine définitivement l’idée de transmutation matérielle. Les laboratoires se professionnalisent, et l’alchimiste est relégué au rang de charlatan ou de figure folklorique.
Elle renaît sous une forme symbolique et ésotérique. Les mouvements occultes — Golden Dawn, théosophie, spiritisme — réinterprètent l’alchimie comme une voie de transformation intérieure.
Un rôle paradoxal : en impressionnant le public avec ses machines, ses démonstrations et l’électricité, la science réveille une fascination quasi magique. L’imaginaire de la “Fée Électricité” nourrit un besoin de mystère que l’alchimie comble.
Le steampunk émerge précisément de cette tension entre rationalité et enchantement. Il fusionne l’ingénieur et l’alchimiste, le cuivre et la symbolique, la machine et le rituel. C’est un rétrofuturisme où technique et magie coexistent.
Parce qu’elle sert de métaphore universelle de transformation : transformation de soi, de la matière, du récit ou de l’objet artisanal. Ateliers, distilleries, makers et univers narratifs s’en inspirent encore pour parler de création et de sens.
« La science est l’héritière qui a oublié ses origines : elle naît de la magie qu’elle prétend dépasser.»
L’alchimie victorienne : déclin opératif, renaissance ésotérique
Pour comprendre cette survie, il faut saisir la double face du XIXᵉ siècle : une fascination pour la science qui laisse un vide immense… aussitôt comblé par le mystère.
1. La mort de l’alchimie opérative
C’est l’histoire d’un meurtre : celui de l’alchimie opérative.
La révolution a eu lieu un siècle plus tôt. Avec sa balance et sa loi de conservation de la masse, Antoine Lavoisier a transformé la chymie en science quantitative. Le XIXᵉ siècle achève cette transition : la chimie devient une discipline rigoureuse, dotée d’une nomenclature précise et de protocoles reproductibles. La transmutation des métaux n’a plus sa place dans ce nouveau monde ordonné.
Les laboratoires victoriens ne sont plus des antres fumeuses : lumière naturelle, instruments de précision, expériences publiques où l’on démontre, mesure, reproduit. Michael Faraday, en redingote impeccablement boutonnée, fascine les foules avec des étincelles électriques et des gaz colorés. Les journaux le surnomment l’enchanteur scientifique.

À côté de ces démonstrations spectaculaires, l’alchimiste devient une figure marginale, parfois ridiculisée : un vieillard ruiné, isolé dans un grenier poussiéreux, contemplant des fioles vides en rêvant encore à la Pierre Philosophale.
L’alchimie n’a pas disparu : elle a simplement perdu son statut d’art de laboratoire.
Elle va devoir se déplacer ailleurs.
2. Le “merveilleux scientifique” : la technique comme magie
La soif de magie, elle, n’a pas disparu ; elle a simplement changé de costume.
Le nouveau magicien, c’est le savant.
Aux Expositions universelles — le Crystal Palace de Londres en 1851, puis Paris en 1867 ou 1889 — les visiteurs découvrent des machines aussi impressionnantes que des créatures mythiques :
- locomotives colossales,
- moteurs électriques bourdonnants,
- premières ampoules qui s’allument d’un simple geste,
- illusions optiques comme le Pepper’s Ghost.

Imaginez un Londonien de 1860, enfant, qui voit pour la première fois une lampe électrique s’illuminer ou entend une voix sortir d’une boîte. Pour lui, l’électricité est une fée : on parle de “Fée Électricité”, de “fluides” invisibles, avec presque les mêmes mots que pour les esprits.
La frontière est floue : la science vole à l’alchimie son pouvoir d’émerveillement.
Mais cette magie nouvelle, toute de cuivre et de vapeur, ne suffit pas à combler la soif de mystère.
Elle éclaire le monde… et révèle en creux tout ce qui lui échappe.
3. Renouveau occulte : l’alchimie devient symbolique
En réaction directe à ce matérialisme triomphant, une vague d’ésotérisme déferle sur l’Europe. Puisque la science ne s’occupe plus de l’âme, le spiritisme, la théosophie et les sociétés secrètes vont s’en charger.
Quelques repères :
- L’Ordre Hermétique de la Golden Dawn (1887) systématise les rituels, les symboles et les correspondances magiques, en réintégrant abondamment l’imaginaire alchimique.
- La Société Théosophique d’Helena Blavatsky (1875) tisse une vaste synthèse mystique, où l’alchimie devient l’une des langues de la sagesse ancienne.
- Les rosicruciens et les cercles spirites remettent en jeu l’idée d’un monde intermédiaire, où l’éther et les esprits cohabitent.
Des figures comme Éliphas Lévi et Mary Anne Atwood théorisent que le but véritable de l’alchimie n’a jamais été de faire de l’or, mais de parfaire l’esprit humain : transformer le “plomb” de l’ignorance en “or” de l’illumination intérieure.
L’alchimie est alors relue comme une voie de transformation de soi. Le laboratoire n’est plus seulement une pièce remplie de charbon : c’est l’âme humaine elle-même.
L’alchimie était morte comme pratique ; elle renaissait comme métaphore.
L’alchimie du XIXᵉ siècle, côté coulisses
Au XIXᵉ siècle, l’alchimie ne disparaît pas seulement dans les marges romantiques : elle continue aussi de vivre dans les bibliothèques et les cabinets d’occultistes.
On réédite des textes anciens attribués à Paracelse, à Nicolas Flamel ou à des auteurs anonymes, parfois lourdement remaniés.
Ces ouvrages sont lus moins comme des manuels de laboratoire que comme des grimoires de sagesse voilée.
En 1850, Mary Anne Atwood publie A Suggestive Inquiry into the Hermetic Mystery, un ouvrage qui affirme que la “vraie” alchimie est avant tout spirituelle, une voie de transformation intérieure dissimulée sous le langage des fourneaux et des métaux.
Quelques années plus tard, l’Américain Ethan Allen Hitchcock défend une lecture similaire : selon lui, les alchimistes auraient volontairement codé leur quête mystique sous une apparence chimique pour éviter la censure religieuse.
Pour les occultistes de cette époque, l’alchimie devient ainsi une langue secrète commune : on y puise des symboles, des rituels, des images de transmutation qui irriguent la Golden Dawn, la théosophie et toute une littérature ésotérique.
Mini-lexique du XIXᵉ siècle & Petit glossaire visuel de l’alchimie
- Occult Revival (Renouveau occulte) : vaste mouvement de la fin du XIXᵉ siècle, fasciné par le spiritisme, la magie, l’hermétisme et les sagesses anciennes, en réaction au matérialisme scientifique.
- Éther (luminifère) : concept scientifique (aujourd’hui abandonné) d’un fluide invisible censé remplir l’univers pour permettre à la lumière de voyager ; pour les occultistes, une preuve de l’existence d’un “plan astral”.
- Solve et Coagula (Dissoudre et Coaguler) : devise alchimique fondamentale. Solve : décomposer, ramener à l’état chaotique. Coagula : recomposer en une forme nouvelle et purifiée.
- Steampunk : genre de science-fiction rétrop futuriste imaginant un XIXᵉ siècle alternatif où la technologie à vapeur aurait continué de se développer, produisant ordinateurs mécaniques, dirigeables complexes et automates.

Petit glossaire visuel de l’alchimie
- Athanor : Le fourneau des alchimistes. On y maintient une chaleur douce et constante pour “cuire” la matière pendant des semaines.
- Transmutation : L’idée de transformer une matière “vile” en matière “noble” (le plomb en or)… ou, par extension, de transformer quelque chose de lourd, de brut, en quelque chose de plus précieux : une épreuve en leçon, un déchet en œuvre d’art.
- Pierre Philosophale : Symbole de l’accomplissement ultime : la matière (ou l’âme) parfaitement purifiée.
Les alchimistes la cherchaient en laboratoire ; Jung y voyait une métaphore de la quête de soi. - Athanor moderne : Tout lieu où l’on transforme quelque chose avec soin : atelier, cuisine, distillerie, studio de création…
Quand l’alchimiste devient ingénieur : naissance de l’imaginaire steampunk
Cette tension victorienne — une science triomphante cohabitant avec une soif de magie — est le moteur exact de l’imaginaire steampunk.
Le steampunk est l’héritier esthétique de ce paradoxe. Il fusionne l’atelier de l’ingénieur (vapeur, laiton, engrenages) avec le laboratoire de l’alchimiste (verrerie, symboles, mystère).
C’est un monde où l’ingénieur, l’artisan et le mage se rejoignent enfin autour de la même machine.
1. Le steampunk en une phrase
Et si le futur était arrivé en 1880 ?
Imaginez un monde où :
- la vapeur et le cuivre dominent encore la technique ;
- les ordinateurs sont mécaniques, faits de cartes perforées et d’arbres à cames ;
- les dirigeables sillonnent le ciel à la place des avions ;
- les automates obéissent grâce à des ressorts savamment réglés ;
- l’éther sert autant à la physique qu’aux rituels.
C’est cela, le steampunk : un rétrofuturisme en laiton, qui rêve d’un univers où la technologie reste visible, tangible, presque artisanale.
2. L’alchimiste steampunk : un hybride
Dans cet univers, l’alchimiste renaît sous un autre visage.
Ce n’est plus le vieil ermite enfermé dans sa tour, mais un personnage hybride :
- artisan : il forge ses machines, soude le métal, polit le cuivre ;
- ingénieur : il comprend la mécanique, la chimie, l’électricité ;
- chercheur de sens : sa quête dépasse l’efficacité technique ;
- mage rationnel : il trace des cercles, manipule l’éther, grave des glyphes.
Visuellement, on le reconnaît tout de suite : lunettes de soudeur (goggles) relevées sur le front, tablier de cuir marqué par les brûlures, tournevis dans une main et compas dans l’autre. Sur sa table, un plan d’ingénierie côtoie un grimoire annoté.
À côté d’une bobine Tesla, une cornue en cuivre laisse filtrer une lueur dorée.
Un cercle de transmutation, esquissé à la craie sur la dalle, s’étend juste au pied d’un automate à moitié démonté.
Son laboratoire est une fusion assumée entre machine et rituel.
C’est là que la figure de l’alchimiste se réinvente.

3. Proto-steampunk : Frankenstein, Jekyll, Dorian Gray
• La transmutation du corps — Frankenstein (Mary Shelley, 1818)
Victor Frankenstein est l’alchimiste moderne. Inspiré par les anciens (Paracelse), il utilise les outils nouveaux (chimie, galvanisme) pour tenter de transmuter la matière morte en vie. Son laboratoire ressemble autant à un cabinet d’alchimiste qu’à un théâtre chirurgical.
• La transmutation de la psyché — Dr Jekyll & Mr Hyde (R. L. Stevenson, 1886)
Ici, la transmutation est morale. Une potion chimique sépare (Solve) la nature humaine en deux pôles : le docteur respectable et le monstre pulsionnel. L’expérience est alchimique : déconstruire pour recomposer… mais le processus déraille.
• La transmutation de l’âme — Le Portrait de Dorian Gray (Oscar Wilde, 1890)
Le portrait agit comme un vase alchimique. Il absorbe la corruption (nigredo) de l’âme à la place du corps.
L’image — et non la chair — supporte la dégradation.

Ces récits, complétés par les machines extraordinaires de Jules Verne et H. G. Wells, posent les bases.
Ils dessinent les contours d’un monde où science, morale et mystère se mêlent déjà.
Le steampunk moderne portera cette fusion à son apogée :
- The Difference Engine (1990) imagine des ordinateurs à vapeur ;
- Fullmetal Alchemist met en scène une alchimie devenue science rigoureuse, régie par la Loi de l’Échange Équivalent, dans un univers d’esthétique industrielle et de prothèses mécaniques (automail).
Métaphores et symboles : la transmutation moderne
Si le steampunk fascine autant, ce n’est pas seulement pour ses lunettes de cuir et ses engrenages.
Il reprend à son compte la quête de l’alchimie spirituelle : la transformation de soi.
1. Jung : l’alchimie comme miroir intérieur

Au XXᵉ siècle, le psychiatre Carl Gustav Jung va radicalement changer notre regard sur l’alchimie.
Pour lui, les grimoires alchimiques ne sont ni de la chimie ratée, ni de la magie au sens strict, mais une description symbolique de processus psychiques.
- La quête de la Pierre Philosophale devient la métaphore du processus d’individuation : le voyage d’une vie pour devenir un être plus complet, unifié.
- Les étapes de l’Œuvre (noir, blanc, rouge) figurent des phases de crise, de déconstruction, de clarification, puis de recomposition.
- La devise Solve et Coagula se lit comme un principe psychologique : il faut “dissoudre” certaines identifications, croyances et rigidités de l’ego pour “coaguler” une personnalité plus authentique.
Autrement dit : l’alchimie décrit, à sa manière, la façon dont on traverse une catastrophe, une dépression, une remise en question… pour en sortir transformé.
2. Steampunk : une psychologie en cuivre et en vapeur
Le steampunk est l’expression artistique de cette idée.
Les engrenages visibles, le cuivre patiné, la vapeur qui s’échappe : tout ce vocabulaire visuel parle d’un monde où la technologie a encore un corps.
Là où nos smartphones et nos algorithmes fonctionnent comme des boîtes noires — opaques, lisses, irréparables —, le steampunk exhibe ses entrailles :
- on voit les rouages tourner ;
- on entend la pression de la vapeur ;
- on sent la chaleur du métal.
C’est une fantaisie de reprise de contrôle, un réenchantement de la technique.
Comme l’alchimiste travaillait la matière de ses mains, le maker steampunk veut démonter, comprendre, réparer, embellir.
On pourrait dire que le steampunk est une psychologie en cuivre et en vapeur : une manière de mettre à nu nos angoisses technologiques en leur donnant une forme concrète, sensible.
Et c’est précisément pour cela que cet imaginaire victorien réinventé résonne si fort avec notre XXIᵉ siècle saturé de technologie.
Héritages contemporains : ateliers, distilleries, makers
Cet héritage n’est pas qu’une affaire de livres et de films.
Il circule aujourd’hui dans des lieux très concrets.
L’iconographie alchimique et steampunk est devenue un puissant langage pour parler d’artisanat, de transformation et d’identité de marque.
1. Boire & distiller : l’alambic comme athanor
L’alambic en cuivre est sans doute le pont visuel le plus évident entre alchimie et monde contemporain.

Dans les distilleries artisanales, le cuivre luit à la lumière chaude des lampes.
La chaleur du feu monte dans les colonnes, l’air est chargé d’odeurs de céréales, de fruits, de plantes.
On regarde le liquide s’élever, se condenser, retomber, jusqu’à devenir un spiritueux limpide.
Certaines distilleries revendiquent ouvertement une esthétique steampunk.
Des noms comme Steamworks Brewing ou certains gin distillés dans des cuves rétrofuturistes jouent à fond cette carte de la transmutation visible.
On y raconte volontiers que ce n’est pas seulement de l’alcool qui circule entre le cuivre et le verre, mais une histoire, un récit.
2. Fabriquer & réparer : makers, designers, ateliers
Dans les ateliers de makers, les fablabs, les studios de designers, on retrouve la même impulsion.
- On upcycle des déchets industriels (matière vile) en objets d’art (matière noble).
- On expose les soudures, les rivets, les engrenages au lieu de les cacher.
- On imagine des lampes, des meubles, des instruments qui semblent sortis d’un laboratoire victorien uchronique.
Le steampunk devient alors une manière de dire : la technique peut redevenir artisanale, tangible, expressive.
On s’éloigne de la production de masse pour revendiquer des pièces uniques, habitées.
3. Jouer & incarner : bars, culture geek, expériences
Ailleurs, c’est le rituel qui prime.
Des bars à cocktails comme la chaîne “The Alchemist” à Londres mettent en scène la transmutation : fumées, changements de couleur, verrerie de laboratoire, élixirs qui bouillonnent. Le barman remplace l’alchimiste : il transforme quelques liquides transparents en une expérience théâtrale.
Dans la culture geek, le cosplay, les jeux vidéo, les bijoux gravés de cercles de transmutation prolongent cet univers : on porte sur soi des fragments de laboratoire, des symboles alchimiques, des gadgets rétrofuturistes.
On joue à être, l’espace d’une soirée, un ingénieur-mage du XIXᵉ siècle réinventé.
Aujourd’hui encore, de nombreux ateliers — distilleries, studios de créateurs, bars narratifs — se revendiquent implicitement héritiers de ces laboratoires. Ils font circuler entre le cuivre et le verre quelque chose de plus que du liquide : un récit, un supplément d’âme.
Conclusion — Le laboratoire est partout
Le brouillard de Londres s’est levé, mais la vapeur ne s’est jamais tout à fait dissipée.
L’alchimie n’a donc jamais vraiment disparu.
Elle a simplement changé de costume.
Elle a abandonné la quête de l’or métallique pour se concentrer sur l’essentiel : la transformation.
Le laboratoire n’est plus seulement un sous-sol enfumé.
Il est partout :
- dans l’atelier du maker qui donne une seconde vie à un déchet ;
- dans le bureau de l’écrivain qui transmute une idée en histoire ;
- dans la cuisine où l’on transforme des ingrédients bruts en expérience partagée ;
- dans le bar, où un cocktail surgit d’un nuage de fumée comme une petite expérience de physique amusante.
Peut-être que l’alchimie n’a jamais été autre chose que cela : une manière de nommer ce moment où la matière — ou une situation, ou une émotion — cesse d’être inerte pour devenir vivante, chargée de sens.
Et peut-être que le véritable Athanor, ce fourneau mythique des alchimistes, a toujours été, tout simplement… en nous.
Le laboratoire est ouvert. À vous de jouer.

Prolonger l’expérience : 5 portes d’entrée dans l’alchimie steampunk
Pour prolonger le voyage, quelques œuvres où alchimie, époque victorienne et rétrofuturisme se rencontrent :
• Roman — The Difference Engine (1990), William Gibson & Bruce Sterling
Et si Charles Babbage avait réellement construit son ordinateur mécanique en 1855 ? Un Londres alternatif où la vapeur alimente l’informatique naissante.
• BD/Comics — La Ligue des Gentlemen Extraordinaires (à partir de 1999), Alan Moore
Une sorte d’“Avengers victoriens” où se croisent Dr Jekyll/Mr Hyde, le Capitaine Nemo, Mina Harker… au cœur d’un XIXᵉ siècle gothique et technologique.
• Anime — Fullmetal Alchemist: Brotherhood (2009)
L’exemple le plus populaire d’un univers où l’alchimie est traitée comme une science stricte, avec ses lois, ses cercles de transmutation et ses drames moraux.
• Jeu vidéo — Bioshock Infinite (2013)
Une cité volante rétrofuturiste en 1912, des “potions” qui confèrent des pouvoirs, un monde où religion, politique et pseudo-magie technologique s’entremêlent.
• Jeu vidéo — The Order: 1886 (2015)
Plongée dans un Londres victorien uchronique où un ordre de chevaliers utilise des armes avancées (façon Tesla) et un “élixir” quasi alchimique (Blackwater) pour affronter des créatures de la nuit.
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